Friday, November 11, 2005

WAL-MART SOUS LES PROJECTEURS

Considéré par plusieurs de prochain Fahrenheit 911, le nouveau film de Robert Greenwald : The High Cost of Low Price commence à faire des vagues puisque s’attaquant à un gros canon de l’économie américaine : Wal-Mart. Le film est en effet un virulent plaidoyer contre les politiques et pratiques de la compagnie fondée par Sam Walton. De plus, il échappe au contrôle corporatif puisqu’il est distribué hors du circuit commercial traditionnel et est présenté de façon participative et populaire dans divers endroits publics.

La réponse du géant américain ne s’est pas fait attendre face à la sortie du film annoncée depuis juin dernier. La compagnie a en effet engagé l’ancien guru de l’image de Ronald Reagan et consultant médiatique de Bill Clinton afin de mettre sur pied une campagne de relations publiques pour faire contrepoids au film, tout en entreprenant une campagne de dénigrement envers l’œuvre de Robert Greenwald.

Wal-Mart aura toutefois beaucoup à faire pour rehausser son image puisque il y a deux fuites qui ont permis à deux organisations de mettre la main sur deux documents qui expliquent ouvertement la stratégie de Wal-Mart, une stratégie qui suit la logique qui a permis à la compagnie de faire fortune : COUPER LES PRIX.

Cette obsession de maintenir les prix le plus bas possible a toutefois elle aussi un prix. Cela a mené dans bien des cas à des salaires de misère pour les soit-disant « associés » de la compagnie, des conditions pitoyables pour plusieurs fournisseurs de Wal-Mart dans le tiers-monde et la destruction d’entreprises locales et de petites communautés.

Le premier document a été obtenu par War on Want, une organisation basée en Grande-Bretagne qui combat la pauvreté dans les pays en développement en partenariat et solidarité avec les personnes affectées par la mondialisation. Il s’intitule Warehouse Chip Away Strategy 2005 et met en exergue la façon avec laquelle les gérants d’Asda, une filiale de Wal-Mart depuis 1999 et visage de la compagnie en Grande-Bretagne, planifient de drastiquement miner les conditions de travail de leurs employé-e-s (1). Quelques exemples : empiéter sur les pauses et heures de dîner, retirer les mécanismes de griefs des employé-e-s, desserrer les conditions de sécurité, comme par exemple pousser pour du chargement-déchargement en solo alors que les propres évaluations de risque de la compagnie stipule que deux personnes sont nécessaires pour effectuer ce genre de tâches.

L’autre document, lui, a été obtenu par Wal-Mart Watch, une organisation basée aux États-Unis et qui se donne pour mandat d’exposer au public les pratiques de la compagnie. C’est un mémo interne qui fut envoyé au conseil d’administration de Wal-Mart et qui s’intitule Reviewing and Revising Wal-Mart’s Benefits Strategy, écrit par Mme Susan Chambers, vice-présidente exécutive aux bénéfices chez Wal-Mart (2). Ce document propose diverses façons de maintenir au plus bas les dépenses en bénéfices sociaux accordés aux employé-e-s, particulièrement au niveau des plans d’assurances santé, tout en cherchant à minimiser les dommages à la réputation du détaillant. Dans son souci de minimiser ses coûts, il faut ainsi savoir que ces dernières années les coûts reliés aux bénéfices des employé-e-s ont grugés une part de plus en plus importante des profits de la compagnie, alors que celle-ci a comme politique que les coûts reliés à la force de travail ne doivent pas dépasser 8% des ventes de la compagnie.

Parmi les recommandations, on propose entre autres d’engager plus de travailleurs et travailleuses à temps partiel, décourager les personnes en moins bonne santé de travailler pour la compagnie - puisqu’elles profiteraient davantage des plans d’assurances santé - et favoriser un plus gros roulement de personnel, puisque comme il est mentionné dans le mémo on s’inquiète du fait qu’une personne ayant 7 ans d’ancienneté, tout en bénéficiant d’un plus grand nombre d’avantages sociaux, ne soit pas plus productive qu’une autre ayant un an d’ancienneté et pas ou peu d’avantages sociaux.

On veut aussi mettre en place de nouveaux plans d’assurances santé soit-disant plus généreux, mais qui sont toutefois loin de rassurer certains observateurs qui craignent que cela ne constitue en fait un handicap puisque prohibitif pour les ménages à revenu modeste et que cela n’est probablement pas pour effet de sortir nombre d’ « associés » de la compagnie de leur condition de working poor, une réalité d’ailleurs admise dans le mémo. De quoi ne pas atténuer le cynisme de plusieurs envers le géant de la vente au détail.

Ces diverses mesures misent de l’avant dans les deux documents nous donnent le vrai visage de Wal-Mart et viennent s’ajouter au fait que les salaires de l’entreprise sont en moyenne 20% inférieure à ceux des standards de l’industrie de la vente au détail. C’est sans compter aussi sur ce qu’on savait déjà, comme le triste sort réservé aux travailleuses et travailleurs immigrants aux États-Unis ou le fait que des auditions internes ont permis de mettre en lumière de nombreux cas flagrants de violations des lois du travail des enfants, notamment le fait que des mineurs travaillent plus tard que les heures permises, qu’ils travaillent un trop grand nombre d’heures et cela parfois durant les heures d’école.

Wal-Mart fait donc encore des siennes et son acharnement à miner les conditions de travail de ses employé-e-s n’est pas seulement une lubie de quelques « anti-Wal-Mart », mais bel et bien une politique réfléchie de la compagnie. Et c’est sans compter la poursuite de sa politique anti-syndicale, pierre angulaire de sa philosophie des relations de travail. La compagnie de la famille Walton aura ainsi fort à faire pour démentir les éléments qu’apportera le nouveau film de Robert Greenwald (3). À voir, assurément.

(1) Voir l’article de Joe Zacune, “Cutting Costs at any Cost”, Znet, disponible sur http://www.zmag.org/content/showarticle.cfm?ItemID=8886. Voir aussi le rapport Asda Wal-Mart – The Alternative Report, disponible sur http://www.waronwant.org/?lid=8247.
(2) Le document a fait l’objet d’un article dans le New-York Times. Steven GREENHOUSE et Michael BARBARO. “Wal-Mart Memo Suggests Ways to Cut Employee Benefits Costs”, NYT, 26 octobre 2005. Vous pouvez aussi prendre connaissance du document sur http://walmartwatch.com/.
(3) Pour des informations sur le film de Robert Greenwald, voir http://www.walmartmovie.com/.

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