Monday, December 19, 2005

AU-DELÀ DE KYOTO

Alors que la conférence de Montréal des Nations unies sur les changements climatiques se dirigeait vers un échec cuisant, elle s’est plutôt terminée dans l’allégresse et le soulagement. À peine clôturée, on la qualifiait déjà d’historique et de point tournant.

Beaucoup d’éléments positifs et capitaux sont effectivement ressortis de cette conférence. Les mécanismes d’application, de régulation et de sanctions du Protocole de Kyoto ont notamment été mis en marche. On a ainsi adopté ce qu’on appelle les « Accords de Marrakech », qui établissent le cadre de mise en œuvre du Protocole. On a du même coup renforcé les aspects importants du Protocole, comme le fonctionnement du mécanisme de développement propre (MDP) et la Mise en œuvre conjointe. On a également prévu les modalités de sanctions pour les parties ne respectant pas leurs engagements.

Mais ce qui retenait toute l’attention c’était l’avenir réservé à l’après-Kyoto, véritable point d’orgue de la conférence. D’entrée de jeu, la délégation étatsunienne avait laissé savoir qu’elle ne voulait d’aucune façon entendre parler d’engagements futurs ou de participer à des mesures contraignantes. Durant les deux semaines de la conférence plusieurs délégations ont donc tenté de rallier tant bien que mal les États-Unis. Cet acharnement à vouloir rallier l’administration Bush laissait craindre un accord vaseux et sans aucune portée sous l’égide de la convention de Rio, à laquelle font partie les Etats-Unis, plutôt que d’emprunter la voie de Kyoto.

Finalement, de quoi ravir tout le monde, nous avons eu droit à deux accords. Le premier, sous l’égide de la convention de Rio, est plutôt de portée limitée. Il prône l’ouverture d’un « dialogue » devant permettre de lancer une « action de coopération à long terme pour faire face au changement climatique ». Toutefois, et c’est ce qui lui donne une portée limitée, ce « dialogue ne débouchera sur aucune négociation susceptible de conduire à de nouveaux engagements ». Mais puisque les États-Unis y ont adhéré, l’accord contient sa part de symbolisme, l’administration Bush ne s’étant jamais démarqué au niveau du multilatéralisme, surtout sur la question des changements climatiques. Mais il ne faut pas se leurrer, ce n’est qu’une question de temps avant que l’Oncle Sam ne rejoigne le train en marche. Et c’est sans compter les nombreuses initiatives locales qui foisonnent déjà là-bas.

Mais plus important est l’engagement ferme pris par les parties au Protocole de Kyoto d’amorcer des négociations en vue d’établir un plan d’action pour la période post-2012. Selon l’article 3.9 du Protocole, les parties signataires se devaient d’engager des discussions sur cette question dès 2005. Tout retard, quand on connaît la lenteur des négociations, aurait naturellement eu pour effet de ralentir le processus de lutte aux changements climatiques qui doit au contraire s’accélérer. A toute fin pratique, nous sommes donc assurés qu’il y aura une suite à Kyoto. Et cela a de quoi réjouir puisque les efforts des dix dernières années n’auront pas été vains. C’est qu’il est très important, sous le régime Kyoto, d’assurer une stabilité et une continuité pour rassurer les investisseurs et donner des assurances quant à la pérennité du marché du carbone.

Kyoto n’est qu’un premier pas

Mais en même temps que l’on peut dire mission accomplie, il faut ne faudrait pas perdre de vue que la logique Kyoto est nettement lacunaire si on veut réellement limiter les effets des changements climatiques. Kyoto ne remet en effet nullement en cause nos modèles de développement et de consommation. C’est le business as usual, mais de façon un peu plus verte. On s’en remet encore aux marchés pour tout régler. Les MDP qui permettent aux pays développés d’investir dans les pays du Sud dans des projets de développement durable afin de remplir leurs engagements de réduction des gaz à effet de serre ne devraient en aucun cas se faire au détriment des populations concernées ou servir d’échappatoire aux entreprises qui tardent à prendre leurs responsabilités. S’il était certes nécessaire d’y aller de quelques compromis pour amener les grands pollueurs à lutter contre les changements climatiques, à long terme cette stratégie pourrait bien être celle d’un échec. C’est que le pragmatisme nécessaire au sein de négociations internationales complexes sur un sujet qui l’est tout autant ne doit pas nous faire perdre de vue les réels défis qui nous attendent et les sacrifices qu’ils exigeront.

Car c’est là que réside tout l’enjeu de la lutte aux changements climatiques. Tant que nous continuerons de voir nos modèles de développement comme la destinée de l’humanité, nos efforts resterons vains. La protection de l’environnement ne se conjugue pas avec la soif de profit et la rentabilité à court terme. Mais n’empêche, les résultats de la conférence de Montréal et le Protocole de Kyoto demeurent malgré tout des pas importants. Dans la bonne direction? Il en tient à tout un chacun de faire en sorte que l’avenir en soit garant.

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