Thursday, January 26, 2006

VICTOIRE HISTORIQUE DU PEUPLE BOLIVIEN

Mettant finalement un terme à ce que l’on a appelé la « Révolte de l’eau », le peuple bolivien vient de remporter une victoire historique en forçant le géant américain Bechtel à laisser tomber une poursuite de 50 millions de dollars contre la population de Cochabamba.

Afin de comprendre la portée de cette victoire, il importe de retourner un peu arrière. En janvier 2000, la population de Cochabamba, troisième ville en importance en Bolivie, s’est réveillé pour découvrir que son service public d’eau avait été privatisé par une compagnie inconnue du nom d’Aguas del Tunari. Cette décision de l’administration de la ville faisait évidemment suite aux recommandations de la Banque mondiale qui exigeait la privatisation des services publics en échange de l’aide économique dont nécessitait désespérément le gouvernement bolivien.

Cette nouvelle compagnie, dont on appris rapidement qu’elle était en fait contrôlée par la multinationale américaine Bechtel, n’a pas tardé à faire sentir sa présence. Les tarifs ont rapidement explosé, plongeant de ce fait plusieurs familles dans la privation puisque n’ayant plus les moyens de s’offrir ce luxe qu’était devenu l’accès à l’eau. La population a alors légitimement demandé à ce que ces tarifs soient renversés, ce que refusa le gouvernement. On a ensuite demandé à ce que le contrat qui liait la compagnie à la ville soit tout simplement annulé. Face à un tel affront et à la montée de la grogne populaire, la réponse fut d’envoyer la police et l’armée prendre le contrôle de la ville et déclarer la loi martiale.

Les habitants et habitantes de Cochabamba n’allaient évidemment pas s’avouer aussi facilement vaincus et il s’en suivit des affrontements sanglants qui ont résulté entre autres par la mort d’une jeune homme de 17 ans. Cette résistance populaire ne fut cependant pas vaine puisque en avril de la même année, la compagnie de Bechtel était contrainte de se retirer, le contrôle de l’eau revenant à la population.

Évidemment, Bechtel n’allait pas lancer la serviette aussi facilement et 18 mois plus tard, en compagnie de son partenaire espagnol Abengoa, elle déposa une poursuite de 50 millions de dollars contre la Bolivie pour la perte de ses investissements et de ses profits potentiels – on apprit plus tard que Bechtel n’a investi qu’à peine un million de dollars en Bolivie - à la cour des différends commerciaux de la Banque mondiale, l’International Centre for Settlement of Investment Disputes.

La population de Cochabamba se voyait donc poursuivie dans une cour située à Washington, en anglais et dans un processus à travers lequel aucun membre du public ou de la presse ne serait en mesure de connaître les dates du procès, qui y témoignerait et ce qui s’y dirait.

Cependant, Bechtel sous-estima grandement la détermination du peuple bolivien et la grogne populaire à laquelle elle aurait à faire face. La population de Cochabamba, le Democracy Center aux États-Unis et d’autres entreprirent ainsi une campagne internationale pour que Bechtel abandonne la poursuite. Cela s’est traduit par des milliers de lettres et courriels envoyés à la compagnie, des manifestations devant le siège social de Bechtel à San Fransisco, l’occupation de ses bureaux et autres actions d’éclat. De même, le San Fransisco Board of Supervisors approuvait une résolution demandant à Bechtel d’abandonner la poursuite alors que plus de 300 organisations provenant de 43 pays envoyèrent une pétition à la Banque mondiale lui demandant d’ouvrir le dossier à l’attention du public.

Face à cette mobilisation déterminée, Bechtel, sentant sa réputation s’entacher et effectuant un calcul coût-bénéfices qui lui aurait été défavorable, entrepris des négociations pour abandonner la poursuite et en venir à un règlement plutôt symbolique de… 2 bolivianos, soit 30 cents américains!

C’est donc une grande victoire qu’a remportée la population de Cochabamba sur Bechtel. Cela constitue un précédent d’une ampleur historique puisque c’est la première fois qu’une compagnie retire sa poursuite dans ce genre de dossier. Il faut savoir que la Banque mondiale a déjà traité plus de 200 causes comme celle de Bechtel. Et c’est un peu la même chose à laquelle on assiste au sein de l’ALÉNA ou de l’OMC.

De plus, cette victoire brise la routine des règles inéquitables en matière de commerce international. D’ordinaire, la Banque mondiale, le FMI et consorts imposent leurs plans d’ajustements structurels en échange d’aide dont les pays bénéficiaires ont désespérément besoin, les forcent à privatiser leurs services publics à des intérêts étrangers, résultant en une explosion des prix qui pousse une frange considérable de la population à la privation, à la suite de quoi soit la population locale réalise le méfait trop tard, soit elle arrive à mettre ses usurpateurs à la porte, étant de la sorte poursuivie et, n’ayant pas les moyens de soutenir une poursuite face à de tels géants, se voit contrainte de dédommager la dite compagnie à un prix exorbitant, se retrouvant du même coup dans une position pas plus enviable qu’auparavant. Cette logique pourrait toutefois être appelé à changer. La population de Cochabamba vient de nous le démontrer.

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