Friday, June 09, 2006

L’ÉTHANOL : UNE SOLUTION MIRACLE?

L’éthanol, dont le gouvernement a l’intention d’en intégrer 5% dans toutes les essences au Canada pour 2010, est de plus en plus présenté comme une solution miracle pour sortir de notre dépendance au pétrole et ainsi contrer les effets des changements climatiques. Mais qu’en est-il vraiment?

Puisque bien que l’éthanol, lorsqu’il brûle pour faire rouler nos véhicules, soit moins polluant que le pétrole, l’est-il réellement si on prend en considération toutes les implications que requiert sa production et sa distribution. C’est en fait à ce niveau que le bât blesse.

Comme le mentionnait le journaliste Louis-Gilles Francoeur dans un article publié dans Le Devoir du 3 juin 2006, citant une des autorités en la matière, Tad W. Patzek de l’université Berkeley, en Californie, il semble que l’éthanol soit le combustible qui ait le plus haut coût énergétique, mais qui offre le moins d’avantages. Et cela est particulièrement vrai lorsque produit à partir du maïs-grain comme il est proposé de le faire à grande échelle pour le Canada. Bien entendu, les chantres de l’éthanol tiennent un autre discours et ne manquent pas d’études payées à même leurs poches pour pousser les vertus de ce carburant « vert ». La plupart des environnementalistes demeurent toutefois sceptiques. Dans le milieu, on affirme que les ténors de l’industrie de l’éthanol, dans leurs études, négligent souvent plusieurs aspects de sa production comme l’utilisation extensive de terres agricoles, détournées de leur fonction alimentaire, l’utilisation abusive de pesticides et engrais chimiques – le maïs-grain étant le plus gourmand à ce chapitre – sans compter les autres types de pollution générés, que ce soit au niveau des cours d’eau ou de l’air (de par les usines, le transport, etc.). Ces aspects pris en compte, une étude du professeur David Pimentel de l’Université Cornell en arrive à la conclusion « que la production d’un litre d’éthanol requiert 29% plus d’énergie que ce combustible en génère ».

On peut aussi se poser des questions sur les motivations et pratiques de certains leaders en matière de production d’éthanol, alors que de nouveaux joueurs songent à se présenter à la porte, attirés par les perspectives de profits qui découleraient de l’augmentation de sa commercialisation. Au sud de la frontière, par exemple, le numéro un dans le domaine est Archer Daniels Midland (ADM), compagnie dont le bilan environnemental est loin d’être reluisant. La multinationale est ainsi classée au dixième rang des pires corporations en ce qui a trait à la pollution de l’air selon le « Toxic 100 », une liste des grands pollueurs dressée par l’Institut de recherche en économie politique de l’Université du Massachusetts. Aussi, le Département américain de la justice et l’Agence de protection de l’environnement ont accusé la compagnie en lien avec des violations du Clean Air Act dans une centaine d’unités de production, couvrant 54 usines dans 16 États. Et c’est sans compter qu’en 2003 les deux agences en sont venus à un règlement de 351 millions de dollars avec la compagnie, alors que trois ans plus tôt elle était mise à l’amende pour 1,5 millions de dollars par le Département de la Justice et 1,1 millions de dollars par l’État de l’Illinois pour pollution reliée à la production et la distribution d’éthanol. Et comme la plupart de ses usines de production d’éthanol continue de fonctionner au charbon, on peut légitimement se poser des questions sur la valeur environnementale de sa production.

Plusieurs questions se posent donc en ce qui a trait à la production d’éthanol en tant que remède écologique aux voitures polluantes fonctionnant au pétrole. Et il faudrait se les poser avant de se lancer aveuglément dans cette filière énergétique. A défaut de quoi nous pourrions bien en arriver à n’avoir que remplacer un problème par un autre. Comme c’est malheureusement trop souvent le cas avec les grands ténors de l’industrie, qui nous proposent continuellement des solutions aux problèmes qu’elles ont elles-mêmes créés. Mais surtout, au-delà des questionnements reliés au contrôle corporatif de la production d’éthanol, il faudra se demander si l’on veut favoriser une agriculture qui sert à nous nourrir nous, les humains, ou bien à alimenter le moteur de nos véhicules.

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