Thursday, September 10, 2009

UN CALVAIRE QUI SE POURSUIT POUR LEONARD PELTIER

Aux États-Unis, il y a des crimes qui semblent plus graves que d’autres et le meurtre d’agents fédéraux en fait partie. C’est du moins ce qu’on est porté à conclure devant la décision du comité des libérations conditionnelles des États-Unis, le 21 août dernier, de refuser d’accorder au militant autochtone Leonard Peltier sa libération.

Maintenant âgé de 64 ans, cela fait maintenant 32 ans que Leonard Peltier purge 2 peines de prison à vie pour le meurtre au cours d’une fusillade de deux agents du FBI, Jack Coler et Ronald Williams, le 26 juin 1975 sur la réserve autochtone de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud. Reconnu coupable le 2 juin 1977, il est actuellement incarcéré à la prison de Lewisburg, en Pennsylvanie. Le 28 juillet dernier, c’était la première fois depuis 1993 que Leonard Peltier avait la chance de pouvoir plaider devant le Comité des libérations conditionnelles.

En 1993, il essuyait un premier refus justifié par le fait qu’il avait « prit part à l’exécution préméditée et de sang-froid des deux agents ». Depuis, cependant, le comité a reconnu que la poursuite a concédé le manque d’évidence directe que Peltier ait personnellement participé à l’exécution des deux agents. C’est que la condamnation de Peltier a toujours reposé sur des bases plutôt fragiles. Entre autres exemples, en 1976, son extradition du Canada où il avait trouvé refuge l’avait été sur la base d’une déposition faite sous la contrainte par une témoin présumée, Myrtle Poor Bear, qui s’est rétractée par la suite. De même, comme l’a souligné Amnistie internationale, la poursuite a « empêché que soient produits des éléments de preuve balistiques qui auraient pu revêtir une importance capitale et assister Leonard Peltier dans sa défense », sans compter les centaines de pages de documents relatives à l’affaire que le FBI refuse toujours de rendre public.

Leonard Peltier a toujours clamé son innocence, bien qu’il ait reconnu avoir été présent sur la réserve lors de l’affrontement qui a coûté la vie aux deux agents. Devant les nombreuses irrégularités de son dossier nous aurions été en droit de s’attendre à ce que, cette fois-ci, il obtienne sa remise en liberté. D’autant plus qu’il avait rempli toutes les conditions requises, faisant preuve de bonne conduite en prison et donnant des assurances quant à ses activités à sa sortie de prison, la communauté de Turtle Mountain ayant accepté de le prendre en charge. Et bien non! Le 21 août dernier, le couperet est tombé : nouveau refus de libération conditionnelle. Un refus justifié entre autres par le fait que sa libération « déprécierait le sérieux de son offense et ferait la promotion du non respect de la loi ».

En fait, comme l’a souligné son avocat Eric Seitz, il semble plutôt que le comité des libérations conditionnelles ait cédé aux pressions du FBI. Peu importe si les preuves sont insuffisantes, en 1975 il y eut le meurtre de deux agents fédéraux et quelqu’un doit payer. Après l’acquittement de Darelle Butler et Robert Robideau dans cette affaire en 1976 faute de preuves, Leonard Peltier est devenu la cible idéale. D’autant plus que celui-ci était à l’époque un militant actif de l’American Indian Movement (AIM), au sein duquel on le qualifie d’ailleurs de Nelson Mandela de l’Amérique du Nord. De même, l’attention portée sur le meurtre des deux agents fédéraux a eu pour effet d’éluder toute remise en cause possible du rôle discutable du FBI dans les réserves autochtones au début des années 1970. Pour la seule réserve de Pine Ridge, c’est 60 autochtones qui trouvaient la mort lors de diverses altercations dans les deux années précédant le meurtre des deux agents.

La prochaine audience de Leonard Peltier devant le comité des libérations conditionnelles devrait avoir lieu… en 2024! Il y a fort à parier que celle-ci ne sera pas nécessaire puisque l’état de santé de Peltier est de plus en plus précaire et qu’en ce sens il risque fort de ne pas survivre jusque-là. Sa seule voie de salut est maintenant la clémence présidentielle. Des pressions en ce sens avaient été exercées dans le dernier droit du mandat de Bill Clinton. Reste maintenant à voir si Barack Obama aura le courage de réparer les torts et de remettre en liberté celui que plusieurs défenseurs des droits humains considèrent à juste titre comme étant un prisonnier politique.

En terminant, soulignons que le refus d’accorder sa liberté à Leonard Peltier n’aura suscité que bien peu d’émoi de la part des bien-pensants de ce monde. Une attitude qui tranche, comme on le soulignait dans un article paru sur le site consortiumnews.com, avec celle qui a accompagné la remise en liberté au même moment de Lynette « Squeaky » Fromme, membre du clan de Charles Manson. Reconnue coupable d’une tentative d’assassinat du président Gerald Ford en 1975 elle reçut plusieurs témoignages la présentant comme une victime et ce, bien qu’elle continue à avoir de la sympathie pour le meurtrier de Sharon Tate. Bref, comme quoi certains crimes – qu’ils aient été perpétrés ou non - sont plus punissables que d’autres…

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