DOIT-on craindre le Partenariat sur la sécurité et la prospérité (PSP)? Au moment où les trois chefs d’État nord-américains et leurs suites se rencontrent à Montebello et que le PSP fait son apparition dans le paysage politique, il importe de se pencher sérieusement sur sa nature réelle. Puisque derrière des portes closes on négocie sur une foule d’enjeux qui tôt ou tard auront des impacts sur nos vies.
Signé officiellement à Waco, au Texas, en mars 2005, le PSP est souvent présenté comme une suite de l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Et avec raison. Il intervient dans un contexte où pour la communauté d’affaires, celui-ci semble avoir atteint ses limites. Mais ce projet de partenariat va beaucoup plus loin que les accords commerciaux traditionnels, en ce sens que l’on inclut désormais la variable sécuritaire dans le langage économique et où l'on assiste à une institutionnalisation formelle du pouvoir des entreprises et du secteur privé dans la définition des politiques publiques.
Il est né d’un contexte post-11 septembre qui a vu le commerce entre les pays nord-américains être soumis au diverses mesures sécuritaires mises de l'avant par le gouvernement états-uniens. C’est dans ce souci de concilier les impératifs économiques et sécuritaires que la communauté d’affaires canadiennes, réunie au sein du Conseil canadien des chefs d’entreprises (CCCE), publiait en janvier 2003 l’
Initiative nord-américaine de sécurité et de prospérité, dont la stratégie repose sur cinq éléments : réinventer les frontières ; maximiser les efficacités réglementaires ; négocier un pacte de sécurité détaillé des ressources ; rebâtir l'alliance de défense nord-américaine ; créer un nouveau cadre institutionnel. C’est ce document qui allait servir à formuler dans ses grandes lignes le PSP. Il s’agit en gros d’une série de recommandations afin de satisfaire les exigences sécuritaires des États-Unis pour garder le commerce ouvert et de se positionner face aux nouveaux enjeux de la mondialisation, entre autres la montée de la Chine. Et dans ce contexte, et pour le plus gros des trois joueurs, il est évident que la sécurité doit préluder à la prospérité.
Le PSP s’inscrit également dans cette logique amorcée par l’ALENA, à savoir une intégration de plus en plus profonde des politiques des gouvernements nord-américains. Pour mettre de l’avant ce projet, on s’appuie sur certains mécanismes mis en place dans le cadre de l’ALENA, entre autres celui des négociations permanentes. C’est ainsi qu’à la suite de l’adoption du PSP on mettait en place une série de groupes de travail pour se pencher sur les quelques 300 recommandations émises par le milieu des affaires afin d’harmoniser les politiques économiques et sécuritaires des trois pays. On mettait également sur pied le Conseil nord-américain de la compétitivité (CNAC), composé de 10 chefs d’entreprises de chacun des trois pays, dont les recommandations sont directement adressées aux chefs d’État.
Comme on le voit, avec le PSP, les élites du monde des affaires bénéficient désormais d’un droit d’accès direct dans les hautes sphères du pouvoir, étant elles en fait qui définissent l’agenda des négociations et leur contenu.
Rendez-vous à Montebello Montebello est la troisième rencontre au sommet annuelle sur le PSP. Il est toutefois difficile de savoir exactement ce qui y est discuté et ce qui a été accompli jusqu’à présent. C’est que le PSP n’est pas un traité en bonne et due forme. Contrairement à l’ALENA, celui-ci n’a pas à être ratifié. On a en fait instauré un nouveau fonctionnement de législations à la pièce. Comme ce qui est ciblé dans les visées d’uniformisation des politiques sont souvent les diverses réglementations, celles-ci n’ont pas à faire l’objet de débats au parlement et peuvent ainsi être mises en place à la pièce par les pouvoirs exécutifs de chacun des pays. Et comme c’est le milieu des affaires qui semblent être aux commandes des grandes lignes directrices, on se voit plonger dans un nouveau cadre politique où on assiste à une dictature de facto des pouvoirs exécutifs et à une privatisation des politiques économiques.
Voilà pourquoi plusieurs s’inquiètent avec raisons des réels tenants et aboutissants de ce PSP. Le manque de transparence y est flagrant. Les décisions qui y sont prises ne font l’objet d’aucun débat publique ou parlementaire. L'influence du milieu des affaires y est démesurée et on opère en marge des parlements et de la place publique.
Puisqu'il ne faut pas se le cacher, les décisions qui seront prises à travers le PSP auront des influences considérables sur nos vies et nos institutions. La mise en place de l'ALENA nous en a déjà donné quelques aperçus et les diverses mesures sécuritaires mises en place depuis le 11 septembre 2001nous montrent vers quoi l'on se dirige. Que ce soit au niveau de l'instauration de mesures sécuritaires toujours plus contraignantes pour le simple citoyen, la militarisation accrue du continent, des frontières et des politiques étrangères, de la volonté d'harmoniser les mesures réglementaires des trois pays – ce qui aura inévitablement pour effet d'entraîner un nivellement vers le bas -, des risques de marchandisation de domaines jusqu'ici à l'abri comme l'eau et la santé, l'élaboration de politiques énergétiques communes – qui a déjà eu pour effet d'accroître l'exploitation des sables bitumineux -, les risques de dérives sont bien réels. Et si l'on ajoute à cela le profond déficit démocratique qui entoure le processus, nous avons toutes les raisons d'être aux aguets.
Et nul besoin ici de sombrer dans les théories du complot. Il s'agit simplement d'une marche en avant des grands intérêts privés vers une plus grande intégration continetale qui se poursuit avec l'aide des gouvernements pour mettre en place un environnement qui leur est favorable. Simplement, après plus de 25 ans de néolibéralisme et 13 ans après l'entrée en vigueur de l'ALENA, force nous est de constater, contrairement à ce que tentent de nous faire croire les promoteurs du PSP, que les fruits promis ont un goût plutôt amer.
Pour un argumentaire complet, voir l'étude du Réseau québécois sur l'intégration continentalehttp://www.rqic.alternatives.ca/RQIC-fr.htm