Wednesday, August 13, 2008

OBAMA: LA DÉSILLUSION?

OBAMA: LA DÉSILLUSION?

Accueilli triomphalement lors de son périple en Europe au début de l'été, Barack Obama suscite de nombreux espoirs. Plusieurs soutiennent qu'il incarne un réel changement et que son élection en novembre prochain pourrait redonner aux États-Unis ses lettres de noblesse, entâchées par huit années de règne de l'administration Bush. Mais au fur et à mesure que prend forme la campagne présidentielle, le sénateur de l'Illinois fait ressortir un nouveau visage. Un visage que l'on veut « présidentiel », mais qui s'éloigne peu à peu de la figure progressiste à laquelle on l'associait.

Cela ressort particulièrement sur le domaine qui intéresse plus spécifiquement le reste de la planète: la politique étrangère. A ce chapitre, les différences s'amenuisent peu à peu avec son rival républicain John McCain. Cela a commencé à ressortir rapidement après qu'Obama fut confirmé comme candidat démocrate à la présidence américaine, lors d'un discours prononcé devant le Comité des affaires publiques américano-israéliennes (AIPAC), principal et très influent lobby pro-Israël aux États-Unis. Il y annonça son soutien indéfectible à l'État hébreu, choissisant du même coup son camp dans le conflit israélo-palestinien. Le correspondant à Washington du quotidien israélien Ha'aretz concluait d'ailleurs il y a quelques temps à propos d'Obama qu'il « semblait aussi ferme que Clinton, aussi solidaire que Bush et aussi amical que Giuliani » sur cette question (http://info-palestine.net/article.php3?id_article=1089&var_recherche=+obama).

Du même coup, Obama a commencé depuis à durcir le ton concernant le dossier iranien, faisant de plus en plus écho aux positions israéliennes sur cette question. Durant les primaires démocrates, le discours d'Obama se faisait plus conciliant et se positionnait à la gauche de sa principal opposante, Hillary Clinton. Il prônait le dialogue et l'ouvertire, privilégiait la voie diplomatique pour résoudre la question du nucléaire iranien, promettant du même souffle de rencontrer le président iranien, Mahmood Ahmadinejad, la première année de son mandat. Mais voilà que le ton a changé. La fermeté a pris le dessus, faisant apparaître une position qui s'approche de façon appréciable de celle du candidat républicain. Ainsi, Obama n'exclut désormais aucune option, même la voie militaire étant envisagée. De quoi déconcerter la base pacifiste qui a placé de nombreux espoirs dans l'élection de Barack Obama et qui a contribué à sa nomination pour le camp démocrate.

Le sénateur de l'Illinois a également mentionné qu'il entendait retirer le gros des effectifs en Irak pour les redéployer en Afghanistan. Encore là, ceux qui croyaient qu'avec Obama à la barre le pays de l'Oncle Sam serait une nation moins belliqueuse devront se raviser. Et sur le dossier irakien, force est d'admettre en fait que le discours se fait davantage équivoque, comme s'il semblait qu'on veuille laisser toutes les options possibles sur la table. A ce chapitre, nous sommes ainsi passé d'un discours ferme sur l'erreur de la guerre en Irak – qui en a séduit plus d'un – à une position plus nuancée qui estime nécessaire de s'appuyer sur les « conditions sur le terrain ». En langage clair, « désolé, mes amis, je vous avais promis un retrait rapide, mais les conditions sur le terrain font qu'il nous faut terminer le travail avant de partir ». Mais devrait-on s'en étonner? On fait souvent référence au fameux discours d'Obama en 2002 où celui-ci considérait que la guerre en Irak serait une erreur et ne devrait pas avoir lieu. Pourtant, depuis le sénateur ne s'est opposé à aucune mesure guerrière mise de l'avant par l'administration Bush. Même qu'en 2004, il affirmait que sa position ne différait pas substantiellement de celle du président Bush. Bref, l'élection d'Obama ne garantirait en rien un retrait rapide – encore moins immédiat – des troupes états-uniennes de l'Irak (voir http://www.countercurrents.org/martin290708.htm).

En fait, avec Obama l'Amérique impériale a encore de longues années devant elle (voir http://www.counterpunch.org/blum08072008.html). Et c'est encore une fois le consensus bi-partisan qui s'exprime – avec quelques nuances, mais qui n'altèrent en rien le portrait global. Si bien que des commentateurs et personnalités conservatrices tels George Will, David Brooks, Rush Limbaugh et Joe Scarborough ont régulièrement de bons mots pour Obama. Et comme l'a souligné l'analyste conservateur Walter Russell Mead dans les pages du Los Angeles Times, au-delà de la rhétorique ressort un consensus large en matière de politique étrangère au Moyen-Orient.

C'est qu'Obama doit montrer aux élites états-uniennes qu'il est « présidentiel » et apte à être commandant-en-chef de la Nation. Et le candidat démocrate commence déjà à s'adonner à ce jeu, lui qui déclarait durant l'émission « Meet the Press », sur les ondes de NBC, que « son travail en tant que prochain commandant-en-chef serait de prendre les décisions à savoir quelle guerre est la bonne à mener ». Et pour être adéquatement conseillé sur ces questions, Obama a su s'entourer de personnalités qui ont déjà laissé leur marque au sein du camp des va-t-en-guerre. Madeleine Albright, Warren Christopher, Zbigniew Brzezinski, Lee Hamilton, Anthony Lake et William Perry, pour n'en citer que quelques-uns, font tous partie du panel de conseillers d'Obama en matière de politique étrangère et de sécurité nationale.. Et gageons aussi qu'Obama saura répondre aux attentes de ses bailleurs de fonds comme ceux de l'industrie pétrolière - car contrairement à la croyance populaire John McCain est loin d'être le seul bénéficaire de la manne financière du secteur de l'énergie, comme en témoigne une étude récente du Centre de politiques responsables aux États-Unis (http://opensecrets.org/news/2008/08/oil-industry-leans-toward-mcca.html) – ou ceux qui nichent à Wall Street.

Ce rapide tour d'horizon des positions d'Obama en terme de politique érangère montre bien l'écart qui s'amenuise avec son rival républicain sur ces questions de fond. Ses partisans devront en prendre acte sinon la désillusion risque d'être profonde au lendemain du 4 novembre. Obama n'a rien d'un pacifiste et ceux qui espèrent un changement de cap devront se raviser. Le candidat démocrate fait partie d'un système qu'il défend et entend pérenniser. Il ne faudrait donc pas se laisser endormir par les discours de « changement » qui ont ponctué les primaires démocrates ce printemps. Le vrai visage d'Obama apparaît petit à petit, autant en politique étrangère qu'intérieure – on n'a penser à ce chapitre à ses accointances économiques avec l'école de Chicago (http://www.thenation.com/doc/20080630/klein), ses positions concerant le financement électoral ou des groupes religieux. Ainsi, la voix progressiste laisse petit à petit la place à la voix du système. En espérant que la désillusion ne soit pas trop grande chez les partisans d'Obama.